DARYL MOSLEY – Bluegrass Master Interview par Romain Decoret

Daryl Mosley de Waverly, au Tennessee, a longtemps été un musicien de groupes qui ont marqué le bluegrass actuel : New Tradition, The Farm Hands, ou les monumentaux Osborne Brothers avec qui il tourna et enregistra durant dix ans. Nommé plusieurs fois Songwriter Of The Year avec des chansons n°1 pour Lynn Anderson, Tim Graves ou les Grascals, il se concentre aujourd’hui en solo sur cet aspect de sa musique avec son second disque personnel, Small Town Dreamer. Rencontre avec un poète du bluegrass comme il n’en reste pas beaucoup aujourd’hui…

Small Town Dreamer est votre second album solo après The Secret Of Life de 2020. Vos chansons ont été reprises avec succès par Tim Graves, Lynn Anderson ou Appalachian Trail et vous avez longtemps joué dans des groupes. Pourquoi avoir attendu si longtemps avant d’enregistrer en solo ?
J’étais bien dans ces groupes, je pouvais jouer du bluegrass gospel avec les Osborne Brothers, ou du new bluegrass expérimental avec New Tradition ou The Farm Hands. Lorsque j’écrivais une chanson, on l’essayait, on jouait partout, sans arrêt. Après le coup d’arrêt qu’a été l’épidémie du Covid, j’ai décidé de me concentrer sur le songwriting. J’ai signé avec Pinecastle Records et retrouvé mon partenaire de New Tradition, Danny Roberts, qui joue avec les Grascals. C’est un ami de longue date et également un excellent producteur. Il comprend bien ce que je joue, que ce soit gospel ou expérimental. Avec les Grascals, Danny n’hésite pas à reprendre HighwayTo Hell de AC/DC en version bluegrass.

Pour Small Town Dreamer, vous avez gardé à peu près le même groupe de musiciens ?
Je les connais bien et les ai choisis : Tony Wray à la guitare acoustique lead, Aaron Daniels au banjo et Danny Roberts à la mandoline. Danny connait bien Justin Moses qui a été nommé meilleur joueur de Dobro de l’année, il l’a invité et les interventions de Justin ont illuminé les séances. Nous avons enregistré dans les Gorilla’s Nest Studios à Ashland City, Tennessee. C’est le domaine de l’ingé-son Chris Latham, qui a reçu l’Award de meilleur sound-man. Il sait créer un environnement sans stress. Nous avons enregistré live tous ensemble, avec ma voix témoin, avant de refaire les vocaux en overdub

Vous avez été élu deux fois Songwriter of the Year et vos albums solo sont consacrés à votre ville natale de Waverly, au Tennessee. D’où vient cette inspiration ?
C’est la ville où j’ai grandi. Elle ressemble beaucoup aux petites villes que l’on voit dans les vieux films comme The Lost Weekend ou The Last Picture Show. Nous avons un seul cinéma, un drugstore et un café sur Main Street. Les kids roulent sur les trottoirs avec leurs vélos. Le rythme de la vie locale est décalé de quelques décades par rapport au reste du monde et c’est ce que j’aime. Cependant, nous ne sommes pas à l’abri des malheurs comme les inondations de l’été 2021 qui ont dévasté Waverly; ou l’explosion du Waverly Train Disaster en 1978. Mais les gens ici s’entraident et persévèrent. Beaucoup de mes chansons s’inspirent de cela.

Vous auriez pu vous installer à Nashville ou même à Los Angeles. Ressentez-vous une friction entre les deux modes de vie ?
Ce sont deux mondes différents, l’un est basé sur  ‘entraide et une certaine moralité. L’autre érige le mensonge comme une manière de vivre, c’est inévitable quand il y a trop de gens entassés les uns sur les autres…

Quelle est l’histoire exacte de la chanson Waverly Train Disaster ?
En 1978, un train de la ligne L&N (Louisville & Nashville Railroad, spécialisé dans le transport de marchandises) a déraillé en passant dans Waverly. Deux wagons transportaient du propane liquide et l’un d’eux a explosé. Seize personnes ont été tuées et beaucoup d’autres blessés. M. Toad Smith, le barbier, pour qui j’ai écrit The Secret Of Life, a été sérieusement blessé mais il a survécu.

Comment et quand avez-vous commencé à jouer ?
Ma mère chantait et jouait de la guitare à l’église, je chantais avec elle et ma sœur. J’avais 13 ans quand elle m’a montré les principaux accords à la guitare. J’ai emprunté le songbook de Willie Nelson à un de mes cousins et ensuite, j’ai toujours eu une guitare à la main. En 1979, j’avais 16 ans et je connaissais bien Loretta Lynn. J’étais allé à l’école à Waverly avec ses deux filles, les jumelles Peggy et Patsy, et je chantais l’été, pour les touristes, dans son “dude-ranch” de Hurrican, au Tennessee. Loretta Lynn a été la première à m’encourager à écrire mes chansons. C’était une grande professionnelle qui me parlait, alors j’ai acheté le livre de Tom T. Hall, How I Write Songs et j’ai travaillé.

Dans la chanson Transistor Radio, vous citez Elvis Presley. Quelles sont vos autres influences ?
Les hymnes gospel à l’église, puis Elvis. Mais j’ai découvert d’autres chanteurs country, Stonewall Jackson (I Washed My Hands In Muddy Water) ou George Jones. Mon favori était Don Williams (Tulsa Time) qui m’a influencé plus que quiconque, j’aimais la simplicité de ses chansons et la production minimale de ses disques. La simplicité est ce qui est le plus difficile à achever. J’écoutais aussi Bob McDill, Wayland Holyfield et Dave Loggins, ce qui m’a amené à découvrir des songwriters comme Guy Clark et Rodney Crowell.

Le gospel-bluegrass est une de vos spécialités. Vous êtes devenu un maître du style, avec les mythiques Osborne Brothers. Musicalement comment installez-vous une une tonalité gospel ? Avec un accord mineur placé stratégiquement dans le couplet ?
Je n’évalue jamais si une mélodie est gospel ou non. Je chante ainsi depuis mon enfance. Il n’y a pas vraiment de méthode, ce serait comme utiliser un pied à coulisse pour mesurer les marguerites ! Non, c’est le contenu des paroles et parfois l’approche utilisée pour enregistrer qui sépare la musique chrétienne de la musique séculaire.

Quelles guitares utilisez-vous ?
J’ai appris à jouer sur la Gibson J-125 de ma mère. Un modèle de 1956 dont elle m’a fait cadeau ensuite. Ma première guitare était une petite Fender Parlor que j’ai eue comme cadeau de Noël. Elle est toujours dans mon bureau et je l’utilise pour composer. Beaucoup des chansons de l’album Small Town Dreamer ont été écrites sur cette Fender Parlor. Sur scène, je joue la plupart du temps sur une Martin D-12. Je joue en finger style et la D-12 est parfaite pour le son et le feeling. J’ai aussi une Epiphone Custom Masterbuilt et une Gibson Les Paul Classic que je joue en picking de temps en temps. Je suis contrebassiste également, c’était ma place avec les Osborne Brothers et les Beacon Brothers, alors j’ai toujours cette contrebasse Epiphone Zenith que j’adore. Je l’ai utilisée sur l’album.

Quel est votre style de fingerpicking ?
Danny Roberts dit que je joue de la guitare comme Andy Griffith (nb: La star hillbilly de l’Andy Griffith TV Show des 50’s et 60’s) et ce n’est pas un compliment venant de sa part. Ha ! Mon fingerpicking est pourtant assez unique. J’utilise mon pouce pour jouer les notes graves dans le style de Maybelle Carter. Avec l’index et le majeur je joue une sorte de frailing rythmique, comme un banjo. Et avec l’annulaire je joue la mélodie sur les cordes aigües. Le frailing rythmique ajoute un côté percussif que j’aide en mutant les cordes avec la paume de la main. Rien de tout ceci n’a été planifié ou étudié spécialement. C’est juste la manière dont mon jeu a évolué naturellement pendant des années.

Jouez-vous d’autres instruments ?
La contrebasse et un peu de piano, c’est tout. Le reste de mon énergie musicale passe dans mes vocaux et dans mon songwriting qui est devenu très important pour moi. Cette transition a parfois été effrayante. Ce n’est pas facile de voler en solo après tant d’années avec des groupes mais la réponse a été au-delà de mes espoirs et j’ai eu des n°1 dans les Charts country en solo avec mes chansons A Few Years Ago et Transistor Radio. J’ai reçu l’Award de la chanson de l’année pour Rural Route en 2018 et Hillbilly Graham en 2019.

Vous allez tourner ?
J’ai 130 dates prévues, en solo ou avec mes musiciens comme David Spicher à la contrebasse et Holly O’Dell au violon. J’ai joué en France il y a quelques années dans les festivals bluegrass et j’aimerais revenir, sans doute en 2023.

Vous avez un conseil pour les guitaristes de bluegrass ?
Ne m’écoutez pas ! Vos plans de carrière sont différents des miens, ce sont les vôtres. Comme le disait Bill Monroe : “Soyez vous-même, tous les autres sont déjà pris”. Ecoutez et étudiez tous les styles. Je dois beaucoup aux musiciens qui étaient mes aînés et qui m’ont encouragé. Mais il faut être prêt à comprendre leur avis, ce qui peut prendre beaucoup de temps… © (Romain Decoret)

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