par Romain Decoret

MA RAINEY – Stephen Jezo-Vannier
Lorsque Gertrude Pridgett “Ma” Rainey nait en 1886 en Georgie, la musique est sous l’influence du vaudeville et des chansons de ménestrel de Stephen Foster : O Suzanna, The Old Folks At Home, Old Black Joe, interprétées aussi bien par les Blacks que par les Blancs ou les artistes grimés en black face. Les comédiens comme Butterbeans & Susie et les danseurs tiennent une large place dans les shows itinérants, pratiquant le chicken wings (les coudes collés au corps) ou le back walk (les deux pieds glissant dans le sens opposé à la marche). Des traditions que l’on retrouvera chez James Brown ou Michael Jackson. Ma Rainey débute en 1899 dans la mythique compagnie des Rabbit Foot Minstrels. Elle commence à chanter le blues dans le style Moanin’ et se construit son personnage avec collier de pièces d’or, bijoux, perles. Sa présence est magnétique, hypnotique. Elle est LGBT et n’hésite pas à kidnapper des chanteuses pour les emmener en tournée et leur apprendre le blues. C’est le cas de la jeune Bessie Smith. Elles resteront amies le reste de leur vie. Ma Rainey influence également Clara Smith, Ida Cox, Ethel Waters ou Lil’ Hardin. En même temps elle est mariée à “Pa” Rainey et ils se produisent sous le nom des Assassinators Of The Blues ! La presse de l’époque parle d’eux dans chaque ville où ils passent avec leur revue des Chocolate Drops. En 1923 elle signe avec Paramount, enregistre See See Rider avec Louis Armstrong, puis joue en studio avec Blind Blake, Tampa Red, Papa Charlie Jackson. Le succès est énorme. Sur scène, son groupe, The Wildcats Jazz Band, comprend Thomas Dorsey, Les Hite, Lionel Hampton et Kid Henderson. A droite est posée la reproduction géante d’un meuble phonographe Victrola. Le groupe joue une intro et Ma Rainey sort du Victrola en chantant. Elle connait aussi un énorme succès en 1927 avec sa version du Black Bottom, une danse mondialement connue. Elle tourne avec le Georgia Jazz Band jusqu’en 1935 puis devient impresario dans sa ville natale de Columbus, Georgia, où elle décède en 1939. Véritable pionnière du blues, Ma Rainey sut faire la transition entre le vaudeville du 19ème siècle et le blues. Elle a été intronisée au blues Hall Of Fame (1983) et au Rock’n’roll Hall Of Fame (1990). Un film intitulé Ma Rainey’s Black Bottom lui a été consacré en 2020, disponible sur Netflix. © (Romain Decoret) Ed. Le Mot et Le Reste (273p 23€)
NEW ORLEANS – 100 ANS DE MUSIQUES
Eric Doidy & Lola Reynaerts
Le propos de ce livre superbement documenté est de survoler les meilleures œuvres de la musique de New Orleans, généralement mal connue dans un Hexagone qui a depuis longtemps oublié en grande partie ses racines louisianaises. On retrouve donc aussi bien Louis Armstrong que Fats Domino mais aussi les Neville Brothers ou le plus rare Jen Batiste, récent descendant de la famille Batiste. Une musique d’une telle richesse et diversité nécessite des choix. C’est sans doute pour cette raison que l’on cherche en vain Moon Mullican, le pianiste co-auteur de Jambalaya avec Hank Williams, ou son disciple Jerry Lee Lewis qui, il est vrai, était originaire de Ferryday, Louisiana et possiblement considéré -injustement- comme politically incorrect. Pas d’Eddie Bocage ni de Louisiana Rednon plus, qui passa une bonne partie de sa carrière en Europe. Esquivé également le fantastique guitariste Sonny Landreth, car techniquement originaire de Baton Rouge. Quoiqu’il en soit les bons choix ont été faits pour une introduction à la musique de N’awleanz, comme le prononcent les natifs. Même ceux dont l’album n’a pas été retenu sont cités dans l’introduction historique du livre : Amédée Ardoin, pionnier du zydeco, Rockin’ Dopsie, Roy Brown ou Coco Robicheaux. Jazz, Zydeco, Funk, Blues, Rock’n’roll, voila de quoi remplir votre iPod en espérant que la suite du 21ème siècle sera plus clémente pour Nola (New Orleans, Louisiana), également surnommée The Crescent City. © (Romain Decoret) Ed. Le Mot et Le Reste (256p 23€)