par Jacques Brémond

Thierry Lecocq fait partie du paysage musical français attaché aux musiques américaines avec de nombreuses “excursions” vers la chanson, le classique, le swing, etc. Sa carrière est donc à la fois riche et diverse. Il est toujours prêt à jouer et à améliorer son expérience dans de nouveaux contextes.
Conséquence directe : il a fait partie de nombreux groupes, certains éphémères, d’autres plus durables qui ont marqué les années “bluegrass/ country/ folk” françaises : Blue Wave, Tiphaine, Sarah Band, Bluegrass Burger, Station, Lucky Nugget Revue, Blue Railroad Train, Stylix, Roots 66, New Step In Grass, Mister Jay’s, François Vola Trio, The Crazy Idea Band, etc. *

Il a également accompagné nombre d’artistes en tous genres, des styles traditionnels américains à la pop musique, en passant par le classique (Gilles Apap) et pas mal d’étrangers en tournée en Europe. Il doit y avoir bien peu de scènes de festivals où il n’a pas apporté sa touche un jour ou l’autre au fil des ans. De même il a œuvré chez Disney à Paris et également à l’étranger dans un nombre impressionnant de pays.
Ces occasions lui ont permis de rencontrer des artistes de grand talent, et de partager des jams et/ ou la scène avec la plupart d’entre eux, passant sans difficulté d’un instrument à l’autre, selon les besoins complémentaires du jour.

Après Push et Mandoline, voici Radio Station un “album promotionnel”, sous la conception de Hervé Nicole, qui propose une sorte de programme d’émission de radio par “DJ Cheri” (on a même quelques insertions de la météo :-). Issu d’une famille de mélomanes, Thierry a peu à peu maîtrisé tous les instruments à sa portée et on le retrouve logiquement ici avec sa voix et ses guitares, basse, mandoline, violon, claviers et même une lap steel. Il a signé la plupart des titres, à commencer par une invitation au voyage qui suit son entrée en Fast Train, avec En allant dans la Louisiane. C’est une chanson bien dans le “jus cajun” avec l’aide de l’accordéon de David Rolland. Puis changement d’atmosphère, avec Cherie Blues (sic), une structure classique du genre, mais actualisée en français : ainsi l’absence de l’aimée dans tous les lieux évoqués en “s’égosillant la voix” se décline avec un final souriant (elle était là 😉
Passage exotique avec un pot-pourri de sons “asiatiques” et “des îles” du Cherry Tree à Honolulu Lulu (sic), avec le ukulele de Russ Hoag. Chica To Cheek (jeu de mots assumé), en collaboration avec Emilie Vidrine, offre une sorte de bossa nova à énergie interne de bon aloi.

On revient ensuite à une autre des racines incontournables de la musique américaine (Bob Dylan) avec une version non servile de La Fille du Nord (reprise d’Hugues Aufray sur la traduction de Pierre Delanoë mais avec le dernier couplet en anglais). L’arrangement du traditionnel Red Haired Girl est sophistiqué, avec la guitare dominante sur une base de percussions, puis le violon et la mandoline en échos parallèles, qui jouent autour de la mélodie comme la variété des pas de danse qu’on imagine sans peine, surtout lors de l’accélération du rythme un peu après mi-parcours, et enfin l’entrée de la guitare électrique avant le retour à l’acoustique en lignes jumelles.
Autre traditionnel, avec prise de risque, car a cappella, Up Above My Head, donne la touche spirituelle au disque avec la sincérité de cet apport du gospel. On change d’atmosphère encore une fois avec une sorte de rap mi-parlé mi-scandé en déclamation d’indépendance (Je C SQue J’Fais). Puis virevolte un duo violon/ mandoline de bon goût, comme un canon classique où s’emboitent les tonalités sur fond de basses quasi continues, avant une rupture de ton, de rythme dans un concert de voix et de bruits divers pour le moins surprenant.
Dans un bon programme de radio, il faut revenir régulièrement aux fondamentaux : ainsi le classique Travailler c’est trop dur reste sur la base de valse lente où le violon fait ses gammes autour des chœurs et où la guitare électrique complète agréablement le tempo et les fioritures.
Final au volant (Trucks sur la route) pour retourner au pays et “retrouver les anciens”, un titre à écouter à fond (mais prudemment) en allant au prochain festival. (NB: Le clin d’œil en bonus est pour les plus attentifs).

Un ensemble varié donc, qui peut accrocher les amateurs des différents types de musiques nord-américaines, mais avec des échos sonores de plusieurs continents, lesquels, comme dans la réalité historique, ont apporté leur convergence d’épices et leurs senteurs. Thierry s’est inspiré de nombreuses rencontres. Il a bourlingué durant des années et ce bilan de vie musicale peut aussi servir d’introduction aux plus jeunes qui feront ainsi connaissance avec un personnage original, toujours avide de nouvelles expériences humaines et qui mérite d’être écouté. © (Jacques Brémond)
- De nombreuses photos et beaucoup d’éléments (concerts, festivals, etc) sont disponibles sur le site : www.thierry-lecocq-station.com
François Robert est rédacteur en chef de Bluegrass Times :
https://france-bluegrass.fr/france-bluegrass-times-magazine.php

