Tommy EMMANUEL – Certified Guitar Player

Interview par Romain Decoret

Avant tout il y a la musique. Tommy Emmanuel joue depuis l’âge de 5 ans. Il a reçu de Chet Atkins le titre rare de C.G.P. (Certified Guitar Player). Ce 29 janvier 2024, il jouait à l’Olympia de Paris. Rencontre avec un guitar-picker d’une technique qui ne se répète jamais mais se développe sans cesse.

Hi Tommy. Cette tournée est longue…
J’ai commencé en janvier par l’Angleterre puis l’Irlande. Ce soir je suis à l’Olympia de Paris puis ce sera l’Allemagne. Je reviendrai en Europe le mois prochain. Entre temps je vais jouer au Ryman Auditorium de Nashville et aux USA. Quelque 150 shows pour cette année, c’est un peu moins qu’avant, mais j’ai 68 ans, même si la musique me donne des ailes…

Vous avez gardé le concept de la série Accomplice 1 et Accomplice 2 en invitant d’autres guitaristes. Qui sont ils ?
En Angleterre c’était Molly Tuttle une jeune guitariste/ chanteuse de bluegrass. En Irlande c’est mon complice de longue date, Mike Dawes. Ce soir à Paris c’est Clive Carroll, un britannique qui joue dans le style de John Renbourn. La country-music vient au départ des colons écossais, irlandais et gallois et c’est évident dans le jeu de Clive Carroll. Plus tard j’inviterai Rob Ickes au dobro et son partenaire, le guitariste Trey Hensley.

Comment se déroule le show ?
Je laisse d’abord jouer mes invités puis je les rejoins et nous jouons ensemble avant que je ne termine en solo. Avec Molly Tuttle nous avons joué des chansons comme White Freight Liner de Townes Van Zant. J’aime reprendre des titres du disque Accomplice 2 comme Tennessee Stud de Jimmy Driftwood et Doc Watson. En solo je joue Deep River Blues et Guitar Boogie d’Arthur Smith. J’aime bien passer par un Beatles Medley avant de jouer des mélodies telles que celles de Classical Gas de Mason Williams et des mélodies que j’ai composées, Mombasa ou Cantina Senese. Des standards également, Moon River, September In The Rain… C’est un penchant que je tiens de Chet Atkins qui abordait toutes les musiques, qu’elles soient japonaises ou brésiliennes…

Chet Atkins vous a décerné le titre de CGP (Certified Guitar Player). Il ne l’a fait que pour cinq guitaristes. Qui sont-ils ?
Jerry Reed, Steve Wariner, Marcel Dadi, John Knowles et moi. Ce fut une surprise totale pour moi. Chet m’a dit clairement que c’était pour mon engagement et mon dévouement à l’art du finger-picking et ma contribution mondiale à son développement. J’ai joué et enseigné ce style toute ma vie. Je veux apprendre aux jeunes guitaristes le défi de la recherche musicale, car il y a des plans supérieurs à atteindre, et être dédié à la guitare est une grande inspiration.

Quand vous avez commencé très jeune en Australie, pensiez-vous jamais atteindre ceci ou est-ce une question de destinée ?
C’était pour moi une question de travail constant et de recherche. La destinée n’est pas de mon ressort. Mais je dois aussi beaucoup à mon père qui avait acheté une guitare électrique pour la démonter et apprendre comment elle fonctionnait avant de la remonter. Mon frère et moi jouions en cachette sur cette guitare. Quand mon père nous a découverts, il a été ravi de voir que ses fils étaient musicalement inclinés, il nous a encouragés à continuer et a formé un groupe familial. Nous avons commencé à tourner partout où c’était possible…

Wow ! Comment se passait un show typique ?
Mon père nous présentait, The Emmanuel Quartet et nous commencions avec 20 minutes d’instrumentaux. Mon frère jouait la guitare lead et je tenais la rythmique en jouant aussi des basses avec mon pouce. Mon frère aîné était à la batterie et ma soeur était à la lap-steel. Ensuite elle jouait et nous l’accompagnions. Puis je jouais du banjo et de la steel hawaïenne, avant de passer à la batterie pour un solo. On terminait en chantant chacun à son tour. Mon frère et moi étions des fans de Bruce Welch et Hank Marvin, alors on jouait les titres des Shadows, des Ventures ou de Duane Eddy avec beaucoup de reverb. On tournait dans de petites villes, parfois dans la rue, parfois dans le hall local ou sur la plate-forme d’un camion. Nous avons fait cela pendant longtemps, c’était une bonne école pour apprendre à tout jouer. Mais la première fois où j’ai entendu Chet Atkins, j’ai su que c’était cela que je voulais jouer. Puis nous sommes devenus The Trailblazers et j’ai continué avec de nombreux autres groupes.

Maintenant vous habitez à Nashville ?
Oui, la vie y est moins chère. J’ai aussi eu la chance de devenir citoyen américain mais je garde mes liens avec l’Australie où je donne des master-classes quand j’en ai le temps.

Vous avez joué avec les géants Chet Atkins et Les Paul, avez-vous appris un peu de chacun ?
Je vole tout ce qui est possible, à Doc Watson ou Merle Travis aussi. Avec Chet j’ai appris la précision du toucher et ses accords sur trois cordes. Il y a aussi les accords sur DEUX cordes de Django Reinhardt. Avec Les Paul, ce sont ses mélodies à la 12ème case qui sont incontournables. J’ai joué plusieurs fois avec lui à l’Iridium de New York et au Carnegie Hall aussi. Je l’ai vu jouer Stomping At The Savoy qu’il commençait sur les cordes graves avant de monter dans les aigus. J’attache aussi beaucoup d’importance au Travis picking de Merle Travis, son utilisation du pouce est une partie importante de mon jeu.

Votre jeu est unique. Comment le qualifiez-vous ?
C’est une question de précision. Si j’ai besoin de plus d’aigus sur la mélodie, je joue plus fort avec ma main droite, pour les médiums c’est pareil. Je joue différemment en variant l’attaque de ma main droite, elle n’est jamais la même d’un moment à l’autre. Pour la basse, je customise ma Maton en grattant avec de la toile émeri une surface située sous le chevalet. Je monte le volume des basses et je passe la paume de ma main droite sur cette surface sans toucher les cordes. Ça sonne comme une contrebasse en slap. J’aime beaucoup varier mes attaques main droite et main gauche.

Combien de guitare Maton emportez-vous sur scène ?
Trois. Ma 808 TE accordée en standard , une autre 808 en dropped D, et une EBG 808 accordée en Do. Mes cordes sont des Martin 013/ 056 et 012/ 054. J’ai un préamplificateur AER Pocket Tools Dual Mix et un accordeur Boss Chromatic Tuner. Si la lampe de l’accordeur est rouge, je parle au public en m’accordant, quand elle est verte je suis accordé. Pour la main droite j’ai un onglet Jim Dunlop pour mon pouce et parfois un mediator triangle arrondi. Je voyage avec mon technicien sono qui connait tous mes delays et échos, je ne m’occupe que du son de ma guitare à la source.

Sur certaines photos vous jouez sur une Telecaster. Vous avez d’autres guitares ?
Je suis un joueur, pas un collectionneur. Mais j’ai une Telecaster 1960 que j’ai trouvée chez Gruhn à Nashville. On m’a proposé tellement de guitares acoustiques : Gibson J-50, Martin, Travis Williams… Mais j’hésite à les garder parce que je customise mes Maton et je ne peux pas faire la même chose avec des guitares vintage de collection. Je les revends et je verse l’argent à diverses œuvres de charité. J’en garde quelques-unes. Le trésor est la guitare d’Arthur Smith qu’il a jouée sur Guitar Boogie. C’est Chet qui me l’a donnée et c’est un trésor pour moi. Peu avant son décès, Chet voulait me donner ses guitares personnelles mais je les ai laissées à sa famille pour qu’elles aillent dans un musée ou des expositions.

Quel conseil avez-vous pour de jeunes guitaristes ?
Allez à l’école ! Apprenez de bonnes chansons qui vous inspirent à jouer de la guitare. Trouvez un professeur qui ne soit pas trop académique car vous perdriez votre intérêt. Trouver quelqu’un qui ira au-delà des conventions et vous offrira quelques bonnes chansons qui vous intéresseront et inspireront votre musique.

Vous avez repris des chansons d’Otis Redding et Jimi Hendrix. Hésiteriez-vous a reprendre un morceau de Taylor Swift ?
Pourquoi pas ? Taylor Swift enregistre dans deux styles différents, néo-country et pop-music. Si j’apprécie une de ses mélodies, je la jouerai.

Avec cet emploi du temps chargé, vous trouvez encore le temps de donner des master-classes ?
Oui. Cet été je fais un camp d’instruction en Australie. C’est déjà complet, il y aura beaucoup de participants.

Avez-vous jamais entendu une chanson que vous ne pouvez pas jouer ?
Non. Je peux toujours me débrouiller et donner l’impression que je peux la jouer. Mais il faut que j’aime la chanson en premier lieu, c’est le plus important pour moi.

Après Accomplice 2, quel sera votre prochain disque ?
Il est déjà enregistré et mixé. Ce sera un Live In Sidney. Un show enregistré en Australie. Ensuite j’ai aussi commencé à travailler sur un album solo en studio avec mes compositions personnelles. Keep picking ! © (Romain Decoret)

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