Otis TAYLOR

par Romain Decoret

“Le champion cycliste ou le banjo ?”
Avec son disque Banjo, le bluesman du Colorado revient avec un son nouveau en haute résolution et des thèmes originaux entourés d’une instrumentation non-conventionnelle. Interview par satellite sur la ligne Colorado-Paris…

Otis Taylor a passé une longue partie de sa vie à créer le style Trance Blues qui est devenu sa signature musicale, basée sur le blues mais explorant des grooves hypnotiques et de profondes improvisations. Il en a rapporté des W.C. Handy Awards et de nombreuses autres récompenses décernées par les magazines Downbeat et Living Blues.
Son nouveau disque Banjo, n’est absolument pas dédié à cet instrument, mais à des événements en rapport avec sa vie et ses amis ou avec sa passion pour l’histoire des Blacks. La couverture du disque représente d’ailleurs des soldats afro-américains du début du 20ème siècle et Otis Taylor sait s’attarder comme il l’a fait sur un de ses disques précédents sur des personnages surprenants tels que Marshall Major Taylor, un afro-américain qui fut champion du monde de cyclisme en France en 1901, quand le cyclisme était plus populaire que le baseball aux USA. Enregistré à Boulder, Colorado, Banjo n’est pas un disque standard de blues en 12 mesures. Otis Taylor n’hésite pas à développer un groove à un seul accord, dans le style de John Lee Hooker ou à utiliser des violoncelles sur Little Willie. (Otis Taylor me reconnait sur l’écran vidéo et se s
ouvient m’avoir accueilli à Denver et à Boulder, il y a deux ou trois lustres…).

Ce disque n’a PAS pour thème le banjo. Pouvez vous expliquer ?
Banjo n’est que le titre. C’est un symbole général sur le sort des Blacks américains depuis les bateaux d’esclaves qui arrivaient d’Afrique, souvent achetés à des esclavagistes arabes, d’ailleurs. C’est un fait qui est généralement passé sous silence aujourd’hui. Mais si l’on suit l’évolution du banjo, on suit l’histoire des africains-américains.

Qui sont les soldats de la couverture du disque, avec un X sur les yeux ?
Ce sont des Buffalo Soldiers de 1902. Ils jouent au baseball et on les appelait Buffalo Soldiers en raison de leur cheveux qui les faisaient ressembler à des bisons. Cette photo fait partie de ma collection de Blacks américains du Far West, avant 1930. Je l’ai réunie pour un projet de film sur les coureurs cyclistes blacks de Boulder, au Colorado, où je vis.

Où avez-vous enregistré ce nouveau disque ?
Au Octave Studio à Boulder. Nous avons enregistré en DSD 256 Haute Définition. Je suis entré en contact avec eux par Gus Skinas qui s’occupe du mastering à Octave Records. Il m’a dit qu’ils avaient ce nouveau système d’enregistrement, une workstation Pyramix Digital Audio à très haute résolution. J’ai produit le disque avec Joe Kessler. Jay Elliott a mixé et c’est David Glasser qui l’a masterisé.

Comment avez-vous choisi les titres ?
Il y a six originaux et six titres de mon répertoire que je voulais entendre avec ce son et avec le feeling que nous avions pour ces séances. 12 Feet Under est un duo avec moi-même : Fender à gauche et acoustique à droite. Ça sonnait un peu trop clair pour moi, mais au mixage c’était parfait. 1964 est autobiographique, un de mes amis Billy Hilliard, un beatnik, est parti comme ça, au Maroc en 1964. Write a Book About It est un conseil que ma grand-mère m’avait donné, j’ai décidé d’ajouter une prise de kazoo pour le feeling. J’aime ajouter des surprises, pour la musique autant que dans les textes.

Comme les violoncelles dans Nasty Letter ?
Cette chanson a été dans la bande-son de deux films différents : Public Enemies avec Johnny Depp et Shooter. Il fallait que je fasse quelque chose de complètement différent de la version des films. J’ai fait venir les violoncellistes Beth Rosbach et Joseph Howe. Resurrection Blues est aussi un remake. L’original a eu plus de 10 millions d’utilisateurs sur Youtube dans sa version originale. Le message est clair : “Je n’ai pas mangé, pas dormi. J’ai découvert que j’étais Jesus”.

Hit FromThe Left est une référence à la boxe ?
Presque… Je regardais la série TV Kung Fu où David Carradine est toujours pied nus, il a un chapeau et démolit tout ses adversaires (rires). J’ai inclu toutes ces références bizarres, difficile à décrypter. En raison de cela, je voulais que le dernier titre, Live Sur Life, soit plus léger et up tempo après l’intensité du reste du disque.

Qui sont les musiciens ?
J.P. Johnson est un guitariste que je connais depuis longtemps. Nick Amodeo tourne aussi avec moi depuis longtemps, il tient la basse électrique et la mandoline. Brian Juan est l’organiste et Chuck Louden est le batteur. Les violoncellistes sont Beth Rosbach et Joseph Howe, et Sally Gutierrezy a fait des percus et du hand-clapping. Ma méthode est simple : je tracke avec batterie, basse et guitares. Tout le reste est rajouté en overdubs. Je me produis moi-même. Je ne fais que deux prises au maximum. La première donne à l’auditeur la compréhension du titre, pour la seconde je veux que ce soit acquis. Je fais rarement une troisième prise. Il faut que ce soit rapide, pour ne pas perdre l’émotion. Même l’ingénieur du son est plus excité quand il entend la chanson pour la première fois.

Vous avez joué quels instruments sur le disque ?
Une Santa Cruz Otis Taylor Model, une Fender Stratocaster. Un banjo électrique Bluestar et une mandoline électrique Bluestar. Un Harmonica et un banjo acoustique Ome.

Lorsque vous m’avez accueilli à Boulder, vous aviez une collection importante…
Il me reste mes Santa Cruz modèles Chicago ou Otis Taylor. Des Telecaster et des Stratocaster. Mes amplis sont les Fender Deluxe Reverb et Music Man.

Comment avez-vous commencé ?
J’avais 15 ans quand j’ai commencé à jouer. J’allais au Folklore Center de Denver pas loin de chez moi. Je t’y ai emmené quand tu es venu, c’était le domaine d’Harry Tuft.

Ce jour là j’avais pu voir de près la guitare acoustique de Mississippi John Hurt…
Oui, Harry avait toujours des instruments incroyables. Il n’y avait que deux Folklore Centers aux USA, celui de Denver et celui de la Californie. J’ai beaucoup appris en voyant des artistes comme Taj Mahal et Ry Cooder de passage au Folklore Center. Dans les années 60, je suis allé à Londres et j’ai signé un contrat d’enregistrement qui n’a pas marché, mais j’ai beaucoup appris avec les chanteurs de folk locaux. Je suis revenu à Boulder et j’ai quitté le business musical vers la fin des seventies… Je me suis occupé pendant dix ans d’une équipe de cyclistes blacks, critériums, courses de vitesse, etc.. Je suis revenu sur scène dans les nineties, enregistré plus de 15 disques, reçu toutes sortes d’Awards et mes chansons ont été utilisées dans les b.o. de films…

Est ce que Banjo pourrait être votre ultime album ?
Personne ne sait quel sera son ultime album. Je n’ai pas de projets pour l’instant, mais j’ai toujours de nouvelles chansons qui surgissent. J’ai ralenti mes tournées et n’ai pas de plan pour revenir en Europe, bien que tourner en France me manque car j’ai d’excellents souvenirs d’y avoir joué avec ma famille. Je dirais donc : “A plus tard peut être !” © (Romain Decoret)

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