par Michel Rose

Rencontre avec Géraldine Ruiz, journaliste indépendante croisée ce 22 mai à la 25ème Fête du livre d’Autun où elle présentait son « récit Gonzo » intitulé Memphis rebelle (sous-titré “Sur la route, avec les fantômes de l’Amérique”) paru en 2022 chez Denoël. Pour qui veut s’informer sur l’état des lieux plus de cinquante ans après l’assassinat de Martin Luther King, une personnalité charismatique que l’auteure préfère de loin à celle d’Elvis dont elle suit néanmoins la trace jusqu’à Tupelo ! Une approche très personnelle du racisme toujours ambiant. Quant à la musique, elle est surtout présente avec le label Stax fondé par Jim Stewart, un Blanc promoteur de la musique noire (et mixte) ce qui a fasciné l’auteure de ce livre étonnant (1) ! Extrait :
« Que reste-t-il de Memphis ? J’entends parler de Presley dès la sortie de l’avion. Dans la navette qui nous conduit au terminal, un homme d’affaires, natif des environs, engage la conversation. “Vous n’êtes pas d’ici, me lance-t-il intrigué, avant de tenter de deviner les raisons de ma venue. Vous aimez la musique ?” J’acquiesce mollement, alors il me parle de Graceland. Par politesse, je l’écoute faire l’éloge de ce lieu incontournable, en sachant que je n’y mettrai jamais les pieds. Je suis bien trop fauchée. Et puis, c’est l’autre King qui m’intéresse. Le pasteur prix Nobel de la paix, assassiné au Lorraine Motel en avril 1968, Je le dis à mon interlocuteur et lui confie également mon intérêt pour le passé esclavagiste et ségrégationniste, L’homme a aussitôt un mouvement de recul. “J’ai saisi : votre truc c’est la criminalité.” Je ne vois pas tout de suite le rapport, ne maîtrisant pas encore le langage local. Il enchaîne : “Dans ce cas, intéressez-vous à la statue du lieutenant général Nathan Bedford Forrest, un ancien du KKK, elle traine dans un parc près de l’université de médecine. C’est la polémique du moment.” La navette arrive à destination. L’homme me laisse sur un constat sombre et un peu sibyllin. “Les tensions raciales ne se résoudront pas. Elles servent les politiques. C’est diviser pour mieux régner.” Je le regarde s’éloigner. Il tient dans sa main droite une mallette marron qui lui confère un style désuet. En parfaite harmonie avec la décoration du terminal de l’aéroport. Je récupère une voiture de location avant de filer downtown.”
(1) Avant de prendre le nom de Stax Jim Stewart avait enregistré du rockabilly, notamment le fameux Boppin’ High School Baby par Don Willis sur le single Satellite 101 de 1958. © (Michel Rose)